du rabab au rebec

du 13ème au 16ème s.

Contrairement à une idée fortement enracinée, le rebec n'est pas un instrument médiéval. Dans la mesure où il apparaît au 15ème s, il semble plus approprié de parler d'un instrument renaissant, voire pré-baroque.
Tandis que dans les palais d'al-Andalus on ne vénérait que le luth aux cordes pincées à l'aide du plectre, c'est la vièle et son archet qui prenaient toute la place dans les cours chrétiennes.
Les princes musulmans d'al-Andalus ont ainsi pu découvrir et apprécier les possibilités musicales savantes et raffinées que permettait son usage. Dans les traditions orientales, l'archet reste confiné aux pratiques monodiques des nomades mais, en al-Andalus au 13ème s, il va être adopté pour les musiques savantes musulmanes à travers la création d'un nouvel instrument : le rabab andalou, instrument qui est aujourd'hui encore utilisé dans le Maghreb. Le rabab pénétrera les régions frontalières chrétiennes et se transformera progressivement pour devenir le rebec.

Grâce à son nouvel aspect qui l'apparente désormais au luth, l'instrument à archet peut entrer dans les cours des princes et jouer le rôle qui, aujourd'hui encore est toujours le sien : donner les impulsions aux chanteurs et aux autres instrumentistes lors du déroulement des noubas.
Cette fonction musicale de « chef d'orchestre » justifiera l'intérêt de Jérôme de Moravie pour cet instrument. Il consacrera plusieurs pages de son Tractatus de Musica à la description de la rubeba avant de développer les différents aspects de la vièle. Désormais, le rabab conservera dans le Maghreb son allure naviforme, ses deux cordes en quinte, son fond rond et son chevillier de luth.


Le rabab sera d'abord adopté par les chrétiens du sud de lEurope.
Tableau de l'école Aragonaise, milieu du 15ème s, Musée Maricel de Sitges.

L'instrument sera d'abord adopté, tel quel, par les chrétiens du sud de la France, mais il ne pouvait guère convenir aux goûts des gens du nord. C'est pourquoi on lui adjoindra une troisième corde et on remplacera progressivement la peau qui recouvre sa caisse de résonance par une planchette de bois ajourée des deux ouies de la vièle.
A la tenue da gamba hégémonique chez les orientaux on préférera la position sur l'épaule dite da braccio. Enfin on abandonnera la technique de jeu orientale de la main gauche (voir la gigue) pour retrouver l'usage de la touche si familière aux chrétiens accoutumés depuis plusieurs siècles au jeu de la vièle.

Le terme rebec, en langue française apparaît dans la littérature à la fin du 14ème s. L'histoire du rebec durant les 15ème et 16ème s. est à l'image de cette période chaotique qui atteindra son paroxysme au moment paradoxalement qualifié de Renaissance. On retrouve de beaux exemplaires de rebecs notamment dans les mains d'anges musiciens mais on aurait tort de penser que ce terme recouvre une entité organologique durable et clairement définie. Aux 14ème et 15ème s, le rabab andalou se transformera progressivement en rebec.


Rebec sur une peinture de Angelico Fra Giovanni, 1387-1455,
conservée au Musée St. Marc de Venise.

Musicien tunisien jouant le rabab andalou, 1932.