la harpe

instrument royal
du 11ème au 15ème s.

Arquée ou angulaire, la harpe est répandue depuis le 1er millénaire av.JC. chez les nomades d'Eurasie où elle jouit d'un grand prestige. Le terme anglo-saxon hearpe qui évoque plutôt un style de jeu, a servi pour désigner aussi des lyres ou certains instruments sur table comme la lyre ou la rote. C'est en Écosse, pendant la période scandinave qu'apparaissent les premières sculptures de harpes dotées d'une colonne et l'instrument se développe les siècles suivants, dans les îles britanniques puis sur le continent.

Son épanouissement au 12ème s. est indissociable du développement de l'art roman dans lequel elle apparaît d'emblée avec des tracés très sophistiqués. Sa tessiture d'un à deux octaves et une quarte est déclinée selon plusieurs tailles, soprano, alto ou tenor, avec une grande diversité de formes.
Á la Renaissance, l'ajout de bourdons la fait passer à 3 octaves et plus, montée de 24 à 30 cordes.

Habituellement constituée de 3 pièces sculptées assemblées sans collage, la cohésion d'une harpe est assurée par la tension des cordes. Mais si le plus souvent une caisse "en cuillère" est refermé par une table, c'est la table d'harmonie sculptée avec les côtés qui compose le dessus, le fond étant alors inséré par derrière, se trouve bloqué par la déformation de l'ensemble sous tension. Cette conception "en coquille" souple, caractérisée par le cintrage, parfois très prononcé de la caisse, en opposition avec celle de la rote, trahit les origines nordiques de la harpe. Particulièrement adaptée à la traction permanente du plan de cordes, cette construction n'a jamais été abandonnée pour les instruments de petite taille.

Au 15ème s. la harpe ajoute un second jeu à son registre avec l'usage des harpions: ces chevilles qui assujetissent chaque corde à la caisse, présentent la forme d'un L inversé dont la tête frôle la corde. Outre l'enrichissement harmonique du timbre, le nazardement provoque une hausse de l'émission sonore qui entraîne une réduction du volume de la caisse. Ce dispositif débrayable, donne à la harpe une voix très particulière qui l'identifie jusqu'au milieu du 17ème s, et sert de modèle aux clavicordes naissants.
Instrument de cour adopté par les princes, cette harpe s'impose dans toute l'Europe polyphonique jusqu'à l'époque pré-baroque.


Harpe munie de harpions et reconstitution du principe de son tracé.
"Le jardin des délices", par Jérôme Bosch vers 1501.


Harpe conservée à Bergen en Norvège.
Bien que tardive, cette harpe présente de nombreuses caractéristiques des harpes romanes.


Sculpture du Portail Sainte Anne.
Paris, fin du 12ème s.